Le Culte de Saint Gengoux
Les reliques
Le culte des reliques tire son origine des catacombes. Les corps de martyrs de la primitive Eglise étaient enterrés dans d’étroites galeries souterraines. Plus tard, le nombre de chrétiens augmentant, plusieurs cimetières furent créés et administrés par l’Eglise. Après la paix constantinienne, on va élever des basiliques sur tombes de martyrs les plus célèbres ; les catacombes tombent dans l’abandon.
On ne vénérait pas uniquement les ossements de martyrs mais aussi tous les objets qui les avaient approchés. L’Eglise lutta longtemps contre ses déviations mais la religion chrétienne se veut aussi humaine : le Christ s’est incarné. Atteint depuis de longues années d’une maladie qui lui faisait perdre du sang, la femme n’osa pas demander à Jésus de la guérir mais elle savait qu’en touchant la frange de son manteau, elle guérirait… C’est la Foi qui guérit, non pas la magie. La démarche vers le serviteur de Dieu, actualisé par les reliques est un acte de Foi.
Revenons aux reliques de Saint Gengoux : transférées à Varennes sur Amance, ses reliques furent transférées à Langres… Un sanctuaire et une petite fondation religieuse lui furent dédiés.
Vers 970, l’évêque de Toul demande à l’évêque de langres des reliques de St Gengoux. L’évêque de Toul fit construire une église dédiée à St Gengoux dans l’enceinte de la ville. Un couvent de moniales y fut joint. La collégiale St Gengoult est toujours un élément patrimonial architectural de Toul.
D’autres reliques furent transférées à Florennes en Belgique, objet de nombreux miracles malgré toutes les vicissitudes des événements de l’époque.
Les Miracles :
Miracles du Saint vivant : on ne reviendra pas sur le cierge allumé, ni sur la source. Mais à la mort du Saint, beaucoup de miracles eurent lieu lors de ses funérailles …
Miracles de Florennes : les miracles fleurissent ; L’abbé de Florennes comment il fut guéri de la peste après avoir bu de l’eau dans laquelle on avait trempé les reliques du saint.
De nombreux paralytiques furent guéris en faisant repentance auprès de reliques du saint.
Des aveugles retrouvent la vue : la jeune Rotsendis de Florennes aveugle depuis 3 ans ; une femme de Condroz ; une nonne de Cambrai.
Divers : De nombreux miracles furent opérés tant à Florennes, qu’à Cambrai, Laon
Miracles du feu : il faut souligner des cierges qui s’allument tous seuls, même sous la pluie, même en plein vent.
La vengeance du Saint : également nombreux furent les personnes exaucées par le saint qui, ne respectant pas leurs engagements furent à nouveau punis.
Les Miracles de Toul
L’évêque de Toul, fit poser des cierges autour du coffret contenant les reliques du saint. Un grand coup de vent les éteint tous puis ceux-ci se rallument spontanément
La petite fille paralysée : le jour où l’évêque porte les reliques de saint Gangulfe, une petite fille paralysée est amenée par son père Par miracle la petite se lève et marche.
L’aveugle : un aveugle, entrant dans l’église de Toul dans l’espoir de recouvrer la vue, sa figure s’illumine dès le seuil franchi… il est guéri !
L’accident évité : l’église de Saint Gangulfe devait être restaurée. Un mur menace de ruine mais c’était du temps des rogations ; personne ne faisait attention et à peine la procession passée, le mur s’écroule, et toute la procession échappa à la mort grâce à la vertu du martyr.
Miracles postérieurs :
Un biographe décrit avec ferveur l’intervention du martyr de Varennes pendant la dernière guerre. Alors que le village de Florennes fut bombardé et quasiment détruit, seule l’église restât debout et les reliques du saint avec.
Le Culte
Comme on se rend chez un médecin spécialiste, les saints sont invoqués pour des cas particuliers. Ainsi :
Sainte Agathe est invoquée pour les maux des seins ; elle est dès lors la patronne des nourrices. La légende raconte qu’un personnage « lubrique et consulaire » dont elle refusait les avances, lui fit déchirer les chairs avec des ongles de fer, puis lui fit couper les seins.
Saint Blaise : patron des maux de gorge. Il avait retiré de la gorge d’une fille mourante, une arête de poisson.
Sainte Apolline : est priée pour des maux de dents : dans les tortures qu’elle dut subir, elle eut la mâchoire fracassée et les dents brisés.
Saint Laurent guérit des brûlures. Il est mort couché sur un lit ardent.
Mais revenons à Saint Gengoux, peu d’éléments permettent de le classer dans les catégories de protecteurs spécialisés, malgré les différents miracles qu’on lui attribue. On dit en Alsace, qu’il est invoqué pour les maladies de peau sans doute parce que sa femme Ganéa a eu le bras écorché lors du jugement divin. Il est aussi sollicité pour les chevaux malades, sans doute parce qu’on le représente souvent à cheval. La fête du saint martyr est souvent accompagnée de processions avec des cavalcades. Mais, plus significatif :
Saint Gengoux est considéré comme le protecteur des sources. Il se trouve une source aux effets salutaires en de très nombreux endroits où son culte est resté très vivant ; ce qui n’est pas étonnant au vu du transfert miraculeux d’une source de Champagne à Varennes.
Il aurait été un temps le patron des tanneurs et cordonniers, toujours en relation avec la peau qui se détacha du bras de Ganéa. Mais ce patronage est rare en comparaison de Saint Crépin et Saint Crépinien.
Tout cela est bien peu de choses à coté de Saint Gengoux, patron des gens mal mariés. Tué par l’amant de sa femme, il est considéré comme un martyr de la foi conjugale. Il est donc normal qu’il soit invoqué par ceux qui connaissent les mêmes déboires. Si la dévotion à St Gengoux, patron des gens mal mariés, n’avait pas été fervente et très répandue, comment expliquer l’extraordinaire succès de son culte ? ce ne sont pas les quelques miracles rapportés par les chroniqueurs qui justifieraient les églises, prieurés, chapelles, les pèlerinages créés en son honneur, les localités portant son nom. La vraie raison est qu’il est considéré comme le patron des gens mariés en difficulté, le protecteur des foyers à problèmes, ce qui concerne beaucoup de monde.
Rien d’étonnant si on n’en parle pas davantage : les cocus ne se réunissent pas en confrérie… si les avocats au seuil d’une nouvelle année célèbrent une messe en l’honneur de St Yves, si les casseurs font de même pour la Saint Hubert, les mineurs et pompiers sainte Barbe, les hommes du fer, saint Eloi, les musiciens, sainte Cécile, on n’imagine pas les mal mariés organisant un pèlerinage à St Gengoux….